Pas de fausses notes en Bolivie

Un célèbre pianiste s’apprête à donner un concert en Bolivie. Le piano est désaccordé. Au détour d’une conversation, on apprend que l’accordeur n’est plus venu depuis trois ans. Inspection des lieux: une des pédales ne marche pas, et certaines touches ne produisent pas de sons. Hésitations. Partir, c’est mourir un peu…Le pianiste tente de réparer le piano, au risque de salir son costume. Il ne veut pas décevoir son public, qui va arriver tout soudain. Quelques tours de vis et premiers résultats. Modifications de ses partitions à la volée. Le concert commence et se révélera un succès.

Ce pianiste donne un exemple d’agilité, dans un monde plus communément appelé VICA (volatile, incertain, complexe et ambigu). Il a réussi à faire face à une situation mal engagée, pour improviser et s’adapter. Un philosophe disait qu’on mesure l’intelligence d’un individu à la quantité d’incertitude qu’il peut supporter; cela reste un défi dans le quotidien. Ici, la prise de décision s’est avérée clé. Partir ou rester. S’adapter ou passer à autre chose. C’est du cas par cas pour savoir quelle est l’action à entreprendre, prendre une décision à partir des éléments observés, mais aussi avec ses tripes.

Décrocher un poste de responsable d’équipe, c’est prendre un risque. On ne connait pas encore le team, il va falloir composer avec de l’incertitude, les motivations des membres, exprimées ou sous-jacentes. Certes, on peut se former pour la conduite et le management – même si j’entends souvent dire que c’est inné ou acquis. Je pense que la capacité d’adaptation s’apprend, elle contribue à acquérir des outils, mieux se connaitre, prendre du recul, et grandir.

Dernièrement, un participant me faisait remarquer que beaucoup de théories du management que l’on ressasse ne datent pas d’hier. En effet, les Taylor, Maslow, Tuckman, Hersey et Blanchard, Lickert datent du siècle passé. Même si chaque génération le redécouvre à son tour, manager au fond n’est pas un métier moderne. Il y a longtemps que le monde a besoin d’organiser des équipes et de les faire fonctionner au mieux, à commencer par le clergé et l’armée… D’ailleurs, du temps des romains figuraient déjà les fondements de la forme moderne du management: rationalité, responsabilité, bienveillance et efficacité.

Or, l’important n’est ni la mode, ni le marketing, mais de réussir à penser les situations de façon réfléchie et équitable. Dirigeants, managers ou formateurs, notre job en effet est de contribuer à forger et faire germer une réalité vivante de la façon la plus positive possible. Et d’aider chacun à la vivre au mieux, en commençant par prendre soin de soi aussi.

Quand on considère l’histoire des théories du management sur une longue période, on s’aperçoit qu’elle a toujours été parcourue par deux dimensions contradictoires: d’un côté une dimension autoritaire, hiérarchique, organisée, froide et contrôlante. De l’autre, une dimension plus souple, plus humaine, centrée sur des valeurs d’écoute et de compréhension. La première a bien sûr donné naissance au management vertical des grandes organisations historiques que sont l’armée et le clergé, mais aussi à toutes les théories de rationalisation de l’organisation du travail avec Taylor. Et la seconde tourne autour d’une idée de «care», de soin. Soin des parents pour les enfants, la famille et la maison, voire de la ferme, des terres et du bétail. Et c’est quelque part cette idée qui revient aujourd’hui, avec le manager «bienveillant», attentif à l’autre, doté de compétences en communication et en collaboration.

C’est le défi moderne, prendre soin, de soi en tant que manager comme de ses collaborateurs, avec agilité face à l’incertitude. Et pourquoi ne pas suivre une formation? Le jeu en vaut certainement la chandelle.

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