Le manager populaire: un faible?

Témoignage tout récent d’un chef de service actif au sein d’une multinationale: «Si tu es apprécié de tes subordonnés, tu crées immédiatement le doute dans l’esprit de ta hiérarchie, qui te soupçonne d’être trop gentil avec ton équipe, de ne pas placer la barre assez haut, voire d’être permissif, laxiste et inconsistant. Un mou, quoi…».

Ce type de témoignage n’est pas rare et résulte de convictions régnant dans certaines directions, consistant à considérer qu’un bon management est un management dur, exerçant une pression forte et constante sur les collaborateurs. Au contraire, le chef apprécié par ses troupes l’est forcément parce qu’il est toujours arrangeant, prêt à tous les compromis pour ne pas avoir d’histoires, quitte à laisser passer des manquements pour se faire aimer.

Il est effectivement vrai que ce type de chef existe, comme il est non moins vrai que le manque de consistance d’un patron va à coup sûr créer des problèmes à terme. Ce type de personne ne sera pas en mesure d’arbitrer en cas de conflits, préférant se voiler la face pour ne pas faire front. Il aura de la peine à donner les impulsions nécessaires à imprimer un rythme ambitieux à l’équipe, et il sera aux abonnés absents lorsque surviendra la moindre tension, qu’il s’agisse d’interactions entre collaborateurs ou avec des clients.

Il est néanmoins quasi certain que sa bonne réputation ne sera que de courte durée. Les problèmes auxquels ses subordonnés vont être confrontés – du manque de performance dont toute l’équipe va souffrir aux conflits larvés et non réglés qui pourriront l’ambiance – les ennuis auront à terme raison de sa cote de popularité. En réalité, les collaborateurs n’attendent pas que leur hiérarchie soit simplement gentille. Ce sont bel et bien d’autres qualités qui conduiront à l’adhésion et à la motivation.

Ces qualités ont de nombreuses composantes: respect, bienveillance, mise en valeur, confiance, capacité à fédérer et à construire, rassembleur, aptitude à apporter une aide déterminante dans les situations difficiles, capacité à créer une atmosphère saine et sereine, etc. La liste est longue, mais comporte-t-elle la dureté? A coup sûr non. Ce qui est attendu d’un chef, c’est qu’il ait la capacité de faire la part des choses et d’être conséquent. Cela inclut le fait de prendre des décisions impopulaires, si elles sont prises dans l’intérêt du groupe.

Penser qu’un chef populaire est forcément mou et sans ambition relève de la plus pure absurdité. C’est confondre dureté et solidité. C’est croire de façon religieuse que seule la pression exercée sur les collaborateurs peut apporter de la performance. C’est penser qu’au 21e siècle, les personnes fonctionnent encore à l’obéissance aveugle, sans capacité de libre arbitre. En d’autres termes, c’est vivre à une époque heureusement révolue de longue date.

Si la pression constante et permanente peut effectivement apporter du résultat à court terme, il n’est tout simplement pas possible d’assurer des résultats durables. L’être humain ne peut pas évoluer à son meilleur niveau en étant constamment pressurisé. La fatigue et la démotivation auront très vite raison de sa performance et l’équipe souffrira alors de maux qui rogneront sévèrement les résultats: absentéisme, tricherie, départs, etc.

Le manager populaire est celui qui aura permis à ses subordonnés de donner le meilleur d’eux-mêmes, en leur permettant de trouver leur place au sein du groupe: ils pourront donc se rendre au travail non seulement l’esprit libre, mais avec une motivation sans cesse renouvelée. Sur de telles bases, le groupe sera performant et chacun se sentira jouer un rôle clé dans cette réussite. Autrement dit, la réussite de l’ensemble sera celle de chaque individu. Les directions qui ne comprennent pas cela ne permettront jamais à leur entreprise de dépasser un seuil moyen de performance. Les actionnaires seraient bien inspirés de prêter une attention particulière à l’esprit qui règne au sein de l’institution dans laquelle ils ont investi.

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