2084, intelligence artificielle ou émotionnelle?

Invité à parler du B-A-BA du recrutement à des entrepreneurs logés dans un incubateur à Genève, j’ai soudainement pris conscience du décalage qui existe entre notre métier de recruteur, interne ou externe, et les start-ups que l’auditoire représentait, pour la plupart à la pointe de la technologie. L’activité de recrutement m’est apparue comme obsolète, dans un autre univers espace-temps, en comparaison des avancées dans d’autres domaines.

Soyons juste, les outils à notre service ont été largement informatisés, l’accès aux candidats et la communication avec ceux-ci ont aussi pris le train de la digitalisation (il y a moins de 20 ans, il m’est arrivé d’envoyer un télégramme à un candidat inatteignable). Pourtant l’entretien, le processus de sélection, la prise de décision sont des actes qui reposent encore sur le subjectif. Le recours à des questionnaires d’évaluation de personnalité n’y change rien, ils datent d’ailleurs de la fin de la seconde guerre mondiale.

La question qui se pose est de savoir si le manque d’outils applicables dans les phases cruciales du processus de recrutement n’est pas justement le signe que notre activité ne se laisse pas si facilement informatiser. Pourtant les spécialistes prédisent que d’ici 10 ans – demain! – nous y serons. Qu’est-ce que cela impliquera?

D’abord il faut se rendre à l’évidence, le nerf de la guerre est, et restera, le sourcing, la recherche des meilleurs profils. Avec la quantité gigantesque et exponentielle d’information disponible et ses multiples sources, la puissance des filtres de recherche va permettre de trouver des candidats auxquels on n’aurait pas eu accès auparavant: sans aide de la machine, point de salut.

La digitalisation va remonter la chaîne de valeur: l’étape suivante est la vérification des informations fournies par un candidat. Il y a de l’information, fantaisiste au mieux, fausse au pire, dans au moins 50% des CV. L’intelligence artificielle éjectera un candidat de la course dès que ses informations seront jugées douteuses, un développement plutôt positif, pour autant que des garde-fous existent et permettent de se refaire une virginité, surtout en cas d’erreur.

Ensuite, un immense obstacle à la pertinence et la qualité des recrutements pourra être levé, celui du préjugé, du délit de faciès et de tous les biais dont souffrent recruteurs, expérimentés ou non. Si un algorithme trie, choisit, présélectionne sur des critères objectifs, fi de la discrimination due à l’âge, au sexe, à la nationalité, à l’apparence physique, seules les compétences compteront, une bonnes chose et un grand progrès.

Restera la phase décisionnelle qu’il faudra aussi déléguer au seul recruteur sans préjugé, à savoir l’ordinateur. Cela garantit-il la compatibilité du candidat avec l’entreprise? Non, mais des évaluations de personnalité en ligne et la traçabilité du comportement passé du candidat sont des informations plus pertinentes que la subjectivité du recruteur. Que restera-t-il à l’être humain? La décision de, parfois, tirer la prise, du moins je l’espère.

2 comments for “2084, intelligence artificielle ou émotionnelle?

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *