«Un employeur n’est que le locataire…»

Une pandémie de démissions, libres décisions de pourtant très remarquables, jeunes et habiles professionnels, commence à s’imposer en Suisse comme Europe, à peine 2 ans après celle, très massive constatée aux USA entre 2019 et 2020 (concernant 40% des salariés de cette nation). L’exponentiel et irrésistible accroissement de la souffrance psychique au travail – identique à celle dont pâtissent tous nos voisins – engendrant coûts cachés, absentéismes et contreperformances, n’en serait-elle pas la cause première?

Tous mes amis recruteurs – d’anciens collègues – en attestent: les candidats ont désormais définitivement décidé de choisir leur employeur. Et leurs critères sont simples, humains et définitifs.

Nul de nos talentueux jeunes gens n’accepte plus le caporalisme injonctif, les consignes paradoxales et toujours urgentissimes, les horaires contraignants plutôt que la création d’une authentique – et libre d’horaires – valeur ajoutée. Encore moins les objectifs individuels sclérosant l’intelligence collective et contributive, les entretiens intrusifs et culpabilisants (dits de «recadrage»), les évaluations aussi obligatoires que tronqués ou injustes. Sans oublier l’enflure envahissante d’égos (parfois aussi schizoïdes que maladroits), les jugements à l’emporte-pièce (ça fait très mal) nés des assessments ou des vilains tests dits «de personnalités» (toujours perversement réducteurs), les dérobades managériales de celles et ceux qui n’ont plus jamais de temps pour écouter leurs collègues et/ou collaborateurs, réfugiés de séances en confcalls, les urgences imposées et les agressions émotionnelles autant que les comportement nonéthiques…

Née de l’application mimétique, répétitive et quasi-aveugle de croyances aussi obsolètes qu’importées d’écosystèmes sénescents (armées ou organisations internationales étrangères, anglo-américaines, par exemple), cette saine réaction des meilleurs d’entre nous va changer notre monde et c’est bien involontairement qu’elle décime actuellement équipes et organisations dysfonctionnelles. Au bénéfice notamment des entreprises responsables, les start-ups et celles de l’entreprenariat individuel. Nombre de dirigeants et de managers n’y comprennent rien et beaucoup de RH semblent ne pas savoir ni pouvoir prévoir, anticiper ou réfréner cette hémorragie des plus précieux talents!

L’indispensable talent authentique se remarque pourtant à son originalité de pensée, par l’invention permanente de nouvelles façons et formes, à l’élégante volonté d’économiser l’énergie en s’adaptant sans cesse, par un anticonformisme qu’on appelle l’intelligence, cette capacité à n’être jamais ni un «yesman» ni une «yeswoman» et à son savoir vendre et défendre une vision sans cesse renouvelée, au sein d’un monde changeant.

Un véritable entrepreneur de génie, bien sûr autodidactique, c’est-à-dire non-corrompu par une «éducation» trop sophistiquée autant que contraignante, a créé un groupe de plus de 10’000 collaborateurs en moins de 40 ans (dont la profitabilité fait pâlir de jalousie les groupes côtés). Il déclare dans son émouvante biographie qu’«un employeur n’est que le locataire du talent de ses équipes» (Philippe Ginestet).

Non pas comme d’avaricieux propriétaire de nos talents, pouvant en disposer à notre guise, sommes-nous bien de provisoires et respectueux locataires des talents de celles et ceux qui se confient à nous? Aussi respectueux de leurs personnes que nous le sommes de nos familles et de nos amis? Prenons-nous ce soin diligent – qui nous profite – de leurs expressions et de leurs développements utiles, ainsi qu’on gère judicieusement notre ménage?

Nos jeunes gens, nos démissionnaires de tous âges sont en train de nous le signifier, très explicitement.

Au-delà de notre système d’éducation obsolète (née en 1874 et qui fabrique désormais du décrochage massif et ne prépare pas à la vraie vie) et de nos exceptionnelles réussites techniques, prononcer l’adieu à la financiarisation nous permettra de réinventer et de refonder un monde meilleur, celui de notre futur.

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