Les tiers de carrière professionnelle: pourquoi cette logique?

Depuis des années, j’entendais parler des difficultés des entreprises à assurer la transmission du savoir lors du départ à la retraite d’employés. Mais aussi à garder ce qui fait les bonnes pratiques, les trucs et astuces, la culture d’entreprise, l’histoire et les fondements de ces sociétés. Parallèlement, je constatais un niveau de motivation relatif pour les professionnels dans les dernières années de leur carrière, ou plutôt une perte de sens.

Un autre constat était l’attitude des débutants dans le monde professionnel envers leurs seniors: du désintérêt, du dédain. Un contexte propice aux tensions, aux écarts d’information, aux frustrations et certainement au manque de collaboration. Je me posais régulièrement la question «pourquoi est-ce si difficile?». On peut se parler, on peut anticiper les départs; les processus, procédures et autres formulaires sont là afin de capturer cette connaissance et la pérenniser. Alors, pourquoi?

La logique des tiers de carrière professionnelle posée par Jacques Limoges, de l’Université de Sherbrooke (Canada), a été une révélation. Cette logique est de dire que l’on peut identifier clairement trois tranches d’âge avec leurs particularités.

1er tiers: On atterrit dans le monde du travail, avec peu de vision, d’ambition et surtout une perspective vague de ce qui nous attend. Cependant, c’est le moment de tester, prendre des risques, faire des erreurs, apprendre de celles-ci (on aura toujours l’excuse du manque d’expérience) et gentiment prendre conscience de ce que l’on veut. L’enjeu: appliquer la théorie acquise durant la formation (le formatage?) de base tout en montrant que l’on sait quelque chose.

2ème tiers: Bon, là on s’est finalement conformé (ou pas), on a eu du temps pour faire sa marque. Les manifestations de reconnaissance de ce que l’on peut faire s’expriment. Mais la routine, la lassitude, la remise en question, la stagnation guettent. La période du bilan de compétences est arrivée (tiens, tiens, cela correspond à la crise de la quarantaine!). Soit on continue tel quel, soit on opère une révolution à 180 degrés. Le souci de rester dans la course et à la hauteur, de gérer la pression dans un milieu professionnel changeant, est bien présent.

3ème tiers: Voilà, on a encore pu faire certains choix au 2ème tiers, maintenant c’est clair, de tels choix ne sont plus aisément possibles et l’on peut se sentir obligé de garder son poste jusqu’à la retraite. Les changements (technologiques, réorganisation, etc.) paraissent déjà nettement moins sexy, depuis le temps on en a vu. Ce tiers est confronté à un risque non négligeable d’obsolescence ou d’épuisement. L’enjeu devient le maintient d’un équilibre pour éviter et l’un et l’autre. Un équilibre entre la vie professionnelle et privée entre en jeu également. Sans oublier de garder (ou retrouver) du sens!

Cette logique des trois tiers met en évidence les différentes caractéristiques dont l’entreprise devrait tenir compte lors de l’élaboration des outils RH – ou de management en général -, tels que le système d’évaluation. Les critères, et le poids que le système leur alloue, sont évidemment différents en fonction du tiers dans lequel la personne se trouve. Les facteurs motivationnels sont variables, de ce fait le style de gestion des différents tiers par les managers (débutants ou expérimentés) devrait également être différent.

Cela peut nécessiter une campagne de sensibilisation pour, d’un côté, permettre aux personnes concernées de prendre conscience de ces différences et faire émerger les particularités, les attentes et les propositions d’aménagement. Et, d’autre part, aider le management à intégrer cette composante dans son système de gestion.

Imaginez si ces conditions étaient réunies! Par défaut cela impacterait naturellement, et de façon positive, le fonctionnement en entreprise: baisse de l’absentéisme, engagement, implication, innovation, transmission du savoir spontané, etc.

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