Il y a pire que l’absentéisme

Les méfaits de l’absentéisme, fléau qui touche bon nombre d’entreprises, sont bien connus. Mais ceux du présentéisme sont encore pires! Alors que dans l’esprit de beaucoup de gens, le présentéisme c’est venir travailler même si on est malade, c’est en fait une réalité plus large, pouvant prendre de multiples formes peu étudiées jusqu’ici. Elles ont un aspect commun: les personnes sont présentes mais non efficaces.

Un bref survol permet d’esquisser quelques catégories parmi les plus fréquentes:

  • Les personnes viennent au travail même si elles sont malades: soit elles aiment leur travail, ne veulent pas surcharger leurs collègues ou abandonner leur service (aux patients, aux clients etc.), soit par peur de perdre leur place.
  • Les personnes font du zèle: pour plaire à leur employeur, elles arrivent tôt, elles repartent tard, sans pour autant faire du bon travail, ou par peur de le perdre.
  • Les personnes surengagées: elles aiment trop leur travail et vont s’épuiser et ne plus être performantes.
  • Les personnes démotivées: elles s’ennuient dans un «bullshit job» et ont perdu le sens de leur travail. Elles y viennent car elles ne veulent malgré tout pas le perdre. Elles sont dans une forme de «présentéisme contemplatif».
  • Les personnes mises au placard ou qui sont harcelées jusqu’à ce qu’elles démissionnent (9% des employés sont dans le premier cas et 8 % dans le second, selon une étude publiée en 2007 par le SECO).
  • Les personnes en voulant à leur employeur, ou n’ayant plus confiance en lui: elles vont tricher, voire saboter leur travail par vengeance.

Schématiser certaines formes de présentéisme simplifie néanmoins la réalité, car des catégories mixtes et des interactions entre ces catégories la rendent plus complexe.

Parmi les données accessibles, de récentes enquêtes ont montré que les actifs en Suisse travaillent en moyenne quatre jours par an en étant malades alors qu’ils devraient être en congé maladie. Ainsi, les Suisses vont travailler quand ils estiment que leur état de santé, même défaillant (grippe, maux de têtes, maux de dos), le leur permet tout de même. La peur de perdre leur travail semblerait la raison prédominante de ce présentéisme. Une autre étude en France a révélé qu’un jour de maladie sur quatre est un jour où l’employé va travailler.

Mesurer le présentéisme est beaucoup plus difficile que mesurer l’absentéisme. Mais il s’agit assurément d’un phénomène bien plus étendu que l’absentéisme, et dont les conséquences en termes économiques sont énormes. On estime ainsi que les douleurs dorsales – qui entraînent de moins en moins de jours d’absence – minent la productivité d’environ CHF 5000 par an et par personne (dont CHF 500 à la charge des patients).

La Fondation Promotion Santé Suisse a estimé en 2018 que deux tiers des pertes de productivité étaient dues au présentéisme et un tiers à l’absentéisme. Un lien a été établi entre l’indicateur qui évalue le stress au travail (Job Stress Index) et la productivité des personnes actives: à stress élevé, productivité en baisse, à stress faible, productivité en hausse. Par l’indice de stress élevé, on constate au cours des années des atteintes à la santé, avec baisse de satisfaction et chute du rendement dû à l’absentéisme et au présentéisme.

Alors, dans l’état actuel des connaissances, que peuvent faire les entreprises face à ce problème? Le meilleur conseil, c’est de faire appel aux professionnels de la santé au travail qui ont les compétences pour diagnostiquer les causes du présentéisme et proposer des solutions.

Parmi eux, les psychologues du travail et des organisations, ainsi que les ergonomes, sont particulièrement désignés; ils peuvent également contribuer à une amélioration du mode de gouvernance propre à chaque entreprise. Au nombre de ces modes figurent ceux liés à la gouvernance partagée, qui conduisent à des taux d’absentéisme très inférieurs à ceux des organisations plus traditionnelles, avec un impact positif sur le présentéisme.

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