Un récent rapport souligne qu’il faudrait réaliser une analyse différenciée des risques professionnels pour les hommes et les femmes. Ce qui, apparemment, va à l’encontre de l’égalité entre les deux sexes… Pourtant, il s’agit d’une réalité trop souvent ignorée ou sous-estimée.
Car, d’une part, sont souvent tabous et en partie invisibles… des problèmes typiquement féminins, par ex. liés aux douleurs menstruelles… à la ménopause… ou à la situation de grossesse et de retour au travail ensuite…
Et, d’autre part, selon le rapport de l’Agence Nationale française pour l’Amélioration des Conditions de Travail (ANACT), ces «inégalités» se retrouvent aussi lors des expositions professionnelles à différents risques dont les effets sur la santé hommes/femmes ne sont pas les mêmes, en raison de spécificités tant biologiques et physiologiques que sociales. Ce domaine de la toxicologie n’est pas bien développé et échappe encore aux professionnels de la Santé au Travail.
Par ailleurs, un certain nombre de femmes choisissent des métiers qui n’étaient pas mixtes jusque-là. Là aussi, il faut différencier l’évaluation des risques. Dans d’autres professions à majorité féminine pour l’instant, telles les infirmières, il y a exposition à des risques chimiques, ergonomiques (préparation d’injections à base de produits cancérigènes, manipulation de patients etc.), et à des risques psychiques (stress émotionnel avec des patients agressifs ou en souffrance, etc.). Des risques spécifiques se retrouvent aussi dans d’autres métiers à majorité féminine, telles les femmes de ménage, (produits de nettoyage, pénibilité, dévalorisation etc.) là aussi invisibles car il n’y a pas eu d’études systématiques faites dans une perspective de genre. Et, de manière plus générale, les données sur les risques en fonction du sexe font défaut dans les statistiques, ce qui empêche une approche mieux ciblée.
Sur le plan des carrières académiques, les femmes sont fortement désavantagées par rapport aux hommes. Un récent article dans «The Conversation» démontre, à travers une enquête de terrain, que l’accès à un poste stable dans le domaine de la recherche ressemble à un parcours d’obstacles pour les jeunes docteures… et que le dilemme de l’injonction d’être «chercheuse totale» et «femme totale» est source de souffrance et d’angoisse.
Sur le plan managérial, il apparaît que les dirigeantes sont soumises à une pression invisible que C. Rottenberg (spécialiste médias et études culturelles) nomme «féminisme néolibéral» qui impose la performance sans répit sur tous les plans (carrière, famille et réussite sociale).
Une enquête auprès de femmes occupant des postes à responsabilité dans le secteur du luxe a montré que cette pression donne naissance au «syndrome de l’imposteur» car, culturellement, les femmes restent souvent imprégnées inconsciemment du préjugé qu’elles sont moins performantes que les hommes. Elles s’épuisent à démontrer qu’elles sont aussi bonnes qu’eux, voire meilleures. Et la pression ne vient pas forcément que des hommes, il existe une «misogynie féminine» parmi les femmes à des postes de direction qui se désolidarisent des autres femmes en leur imposant des normes masculines. Il est clair que ce problème culturel de la «supériorité» des hommes sur les femmes, est à l’origine de bien d’autres inégalités, à différents niveaux dans nombre d’autres professions.
Enfin, il ne faut pas oublier que le cumul des activités professionnelles et privées/familiales des femmes contribue aussi à une inégalité en termes de fatigue, de stress… pouvant conduire à l’épuisement ou à la dépression. Une étude internationale sur 31’000 personnes dans 16 pays le démontre: les femmes sont soumises à plus de stress que les hommes.
La double invisibilité de la santé au travail en général, et de celle des femmes, est un vrai problème de société que les décideurs et les responsables (managers, DRH et professionnels de la Santé et Sécurité au Travail) doivent davantage prendre en compte, ce qui n’a pas été fait jusqu’ici. Il s’agit de justice sociale et le défi est de différencier les approches et de ne pas discriminer.

