Entre individualisme et systémique: agir efficacement sans naïveté ni cynisme

Dans un monde où l’individualisme est devenu une valeur dominante, la responsabilisation personnelle est souvent vue comme la clé du succès. Pourtant, ce prisme a ses limites: comment un individu peut-il réussir si le système dans lequel il évolue reste figé? Est-il juste de demander à un employé de «prendre soin de sa santé mentale» sans agir sur les causes profondes de ses difficultés? La réalité est complexe. Il est crucial de reconnaître à la fois le rôle fondamental que jouent les choix individuels et l’impact profond du contexte.

Prenons un exemple courant: un collaborateur en état de stress chronique. Son manager pourrait lui suggérer des stratégies comme la méditation ou une meilleure gestion du temps. Mais si l’organisation elle-même entretient une surcharge de travail et un manque de clarté des attentes, ces solutions resteront des pansements sur une plaie plus profonde.

Ignorer la dimension collective, c’est renforcer une illusion de contrôle individuel et laisser perdurer des dysfonctionnements organisationnels.  Au mieux, cela apporte un soulagement temporaire.  Au pire, cela renforce la frustration de l’employé qui «fait tout juste» mais ne parvient pas à améliorer sa situation.

L’action efficace se situe donc à deux niveaux: individuel et systémique.

Responsabilité individuelle et impact collectif

La notion de responsabilité vient du latin respondere, qui signifie «répondre de ses actes». Mais en anglais, responsible peut aussi se lire response-able, soit «capable de répondre» à une situation. C’est précisément cette nuance qui éclaire notre réflexion: chaque collaborateur a une marge de manœuvre et est en capacité de choisir sa réponse à une situation. Viktor Frankl, psychiatre et survivant de l’Holocauste, illustre cette idée avec force:

«Entre le stimulus et la réponse, il y a un espace. Dans cet espace se trouve notre pouvoir de choisir notre réponse. C’est dans notre réponse que résident notre croissance et notre liberté.»

L’approche systémique: comprendre avant d’agir

L’approche systémique, développée par Ludwig von Bertalanffy (1901-1972), biologiste autrichien, et appliquée aux sciences humaines par le sociologue Edgar Morin (né en 1929), nous apprend que les éléments d’un système ne peuvent être compris isolément. Appliquée au management, elle rappelle que les comportements individuels sont influencés par des dynamiques collectives, des processus et une culture d’entreprise.

Par exemple, une organisation qui valorise la performance individuelle au détriment de la collaboration créera inconsciemment des rivalités internes. À l’inverse, un environnement où les responsabilités sont clairement définies et où le feedback est encouragé favorisera l’engagement et la cohésion. Le principe d’interactions et rétroactions, au coeur de l’approche systémique, suggère que les relations entre les éléments sont circulaires, avec des effets de rétroaction qui renforcent ou modifient le système. 

Quel est donc mon impact sur le système?

Le stoïcisme: une boussole pour naviguer dans la complexité

Le stoïcisme, en mettant l’accent sur ce que nous pouvons contrôler et en acceptant ce que nous ne pouvons pas changer, rejoint l’approche systémique en matière de gestion des défis et des incertitudes. Là où le stoïcisme invite à cultiver la maîtrise de soi, le discernement et la résilience face aux aléas, l’approche systémique reconnaît l’interdépendance des éléments et l’influence du contexte sur nos décisions. Ensemble, ces perspectives encouragent une posture d’adaptation consciente: en comprenant les dynamiques du système dans lequel nous évoluons, nous pouvons mieux orienter nos actions et optimiser notre impact, tout en restant ancrés dans nos valeurs et notre capacité de résilience individuelle.

Managers: équipez vos collaborateurs et prenez conscience du système que vous façonnez

La clé pour éviter les dérives de la naïveté ou du cynisme repose sur un équilibre subtil entre responsabilisation individuelle et reconnaissance des dynamiques collectives. 

Votre rôle ne se limite pas à encourager la résilience individuelle; il s’agit aussi de façonner un cadre où chacun peut s’épanouir. Cela implique:

  • Créer un espace d’échanges: Guider des réflexions collectives
  • Former les collaborateurs : Renforcer les capacités de résilience
  • Clarifier les responsabilités: Qui fait quoi? Avec quels moyens et quelles attentes
  • Créer un climat de confiance: Un collaborateur ose-t-il exprimer ses difficultés sans crainte de jugement?
  • Agir sur le système: Quelle est ma contribution dans le système? Quels processus peuvent être ajustés pour réduire les frustrations inutiles?

L’objectif n’est pas d’opposer responsabilité individuelle et conscience systémique, mais de les articuler intelligemment pour favoriser une organisation plus résiliente et adaptative. En reconnaissant ces deux dimensions, managers et collaborateurs peuvent co-construire un environnement de travail plus équilibré, où chacun trouve sa place et contribue activement à une ambition collective. 

Aujourd’hui, plus que jamais, saisissons avec force et courage l’opportunité d’influencer les systèmes dans lequel nous évoluons.

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