Est-ce que vous vous sentez le plus souvent démuni-e et confus-e ou confiant-e et rempli-e d’espoir? L’état du monde plonge un grand nombre dans une forme de pessimisme déprimant. Est-ce inéluctable? N’est-ce point indécent de suggérer une posture d’optimisme face aux souffrances et dérèglements dont nous sommes témoins? Dans cet article, j’explore le concept d’optimisme réaliste visant à éviter les pièges de l’optimisme aveugle sans sombrer dans les méandres du désespoir.
Le pessimiste qui voit tout en noir risque sérieusement de sombrer dans une forme de désillusion paralysante. L’optimiste excessif, aveuglé par la peur («je mets mes œillères pour ne pas affronter le danger ou l’inconnu») ou l’ambition («rien ni personne ne m’empêchera d’atteindre mon objectif») est souvent dangereux car ses prises de risque sont disproportionnées et ses décisions déconnectées de la réalité. Où placer notre curseur sur cet axe entre désillusion et confiance? Et d’ailleurs, avons-nous une certaine influence sur cette posture mentale? Résolument oui!
Les habitudes mentales n’ont rien d’immuable.
Le dictionnaire Larousse nous rappelle ce qui caractérise l’optimiste «qui, dans un contexte particulier, a confiance en l’issue favorable d’une situation, croit au développement heureux de quelque chose». À l’inverse, le pessimiste, «est enclin par nature à prévoir de préférence une évolution fâcheuse des événements».
L’une des découvertes les plus importantes qu’aient faites les psychologues au cours des vingt dernières années est que l’individu peut choisir sa manière de penser. La malléabilité du cerveau, démontrée par les neurosciences, ouvre un champ de potentialités immense. Cela invite à prendre conscience de nos schémas de pensées dominants, à contrer un excès de négativité et – si nécessaire – à adopter une perspective plus constructive.
Remettre en question les pensées les plus sombres.
Au Resilience Institute, nous proposons une voie médiane: être réaliste, lucide, sur une situation donnée; reconnaître les difficultés, les inconnues, les obstacles. Dans le même temps, déjouer le biais de négativité pour appréhender la réalité avec l’espoir qui pousse à l’action. C’est ça l’optimisme réaliste! Il s’agit en quelque sorte de bouger notre curseur mental vers la direction de la confiance sans pour autant tomber dans le piège naïf, grotesque et même énervant de l’optimisme à tout prix.
Certains parlent d’optimisme pragmatique, optimisme conditionnel ou encore optimisme urgent. Le point commun de ces approches est d’être ancrée dans une forme d’aspiration positive et d’action, en ligne avec la philosophie stoïcienne encourageant à embrasser avec discernement ce qui est en notre pouvoir de changer et à accepter ce qui ne l’est pas. L’idée selon laquelle «rien de ce que je fais ne compte» fait obstacle à l’action. Comment soutenir l’innovation si rien ne sert à rien? Comment rester mentalement sain si on se laisse embarquer par un flux de pensées négatives?
Tendre vers l’optimisme réaliste.
Martin Seligman[1], un des pontes de la psychologie positive, suggère qu’une posture mentale plus constructive s’apprend bel et bien, non pas au moyen d’astuces dérisoires comme siffloter un air joyeux ou répéter des affirmations positives (ce qui s’apparente à la méthode Coué), mais bien grâce à l’acquisition de nouvelles compétences cognitives.
Il distingue trois dimensions de l’optimisme, les 3P: la permanence (croyance que les événements sont temporaires ou permanents), la portée (croyance que les événements affectent tous les aspects de la vie ou sont spécifiques à une situation), et la personnalisation (tendance à prendre personnellement tout ce qui arrive en négligeant l’influence des causes externes). En modifiant ces croyances ou du moins en les questionnant, Seligman soutient que les individus peuvent cultiver un optimisme plus sain et résilient.
En pratique et en 5 étapes.
- Pratiquez la métacognition. Observez régulièrement vos pensées et prenez conscience des pensées automatiques négatives qui vous occupent. Vous pourrez ainsi identifier un mode de pensée dominant (un «pattern») au travers des 3 axes – Permanence, Portée, Personnalisation
- Remise en question de la Permanence. Recherchez des exemples où les événements négatifs ne se sont pas produits de manière permanente, ou bien des exemples où les circonstances ont évolué pour un mieux.
- Remise en question de la Portée. Questionnez la portée de l’événement négatif. Est-ce aussi généralisé ou catastrophique que cela peut vous sembler? Remettez les choses dans leur contexte et utilisez une échelle de 0 à 100 (à quel point est-ce généralisé ou catastrophique?)
- Remise en question de la Personnalisation. Sans fuir vos responsabilités, considérez aussi les facteurs externes tels que les circonstances ou le comportement des autres plutôt que de vous attribuer à vous seul-e la responsabilité d’une situation.
- Reformulez vos pensées. Utilisez des termes plus réalistes et positifs, en évitant le piège des 3P décrit par Seligman.
En cultivant un optimisme réaliste, vous parvenez petit à petit à adopter des perspectives plus équilibrées et plus constructives. Celles qui nourrissent la confiance et réduisent le risque d’accablement. En bref une posture mentale qui puisse soutenir courage, action et innovation et être ainsi à la hauteur des enjeux du monde.
[1] M. SELIGMAN, “Learned Optimism”, Knopf (1990)