Le paradoxe de la discipline qui libère

Réveil très matinal, yoga ou course à pied, bains (froids) dans le lac, réflexion régulière et priorisation du sommeil sont quelques éléments de ma routine personnelle. On me le dit souvent: « Tu es quelqu’un de très disciplinée ». Avec ça se glisse parfois un sous-entendu: ta vie doit être bien ennuyeuse… Et pourtant, c’est tout le contraire. Pour moi, respecter une discipline choisie est profondément libérateur. Alors suis-je enfermée dans un carcan rigide ou portée par une discipline intérieure?

Le mot « discipline » est trop souvent négativement connoté: éducation autoritaire, cadre scolaire cassant, surveillance excessive. Beaucoup associent la discipline à des règles imposées de l’extérieur: contraintes, obligations, vie rigide. Mais lorsqu’on adopte consciemment des habitudes qui nous servent, c’est l’inverse: la discipline devient un moyen d’exprimer son autonomie, de choisir ses priorités, retarder les satisfactions immédiates, viser un impact durable.

La discipline libère la capacité mentale

Une recherche récente menée à l’Université de Caroline du Sud suggère que 65 à 70% de nos comportements quotidiens sont déclenchés par habitude, en mode automatique. C’est ce qui permet d’économiser l’énergie cognitive: le cerveau « automatise » ce qui est répété. Une discipline personnelle bien ancrée, des routines intelligentes, permettent dès lors de libérer la capacité mentale pour les prises de décision plus complexes.

La maîtrise de soi – et non l’impulsivité – soutient un leadership résilient

La discipline est aussi intimement liée à la capacité à réguler ses impulsions, à retarder la gratification – compétences reconnues chez les leaders les plus performants. Un leader impulsif n’atteindra pas des objectifs ambitieux de façon durable, et surtout ne parviendra pas à embarquer une équipe avec respect et enthousiasme. L’impulsivité dans une équipe est particulièrement néfaste et tend à tuer tout élan de créativité.

Une étude réalisée par l’Université de San Diego) en association avec l’école de Managemenet du Texas (Texas A&M University) révèle que les personnes affichant un haut niveau de self-control sont perçues comme étant plus influentes, plus crédibles et plus aptes à assumer des rôles de leadership que celles qui cèdent à l’impulsivité. L’impulsivité, bien qu’elle puisse parfois donner l’impression de dynamisme, est rarement compatible avec la constance, l’écoute, la capacité à gérer les tensions de manière constructive au sein d’une équipe.

Dans le modèle d’évaluation du Resilience Institute, la régulation émotionnelle, la capacité à contrôler ses impulsions et à répondre calmement à des situations complexes, est une composante essentielle de la résilience. En cultivant cette discipline personnelle, non imposée mais choisie, on renforce non seulement sa résilience mais aussi ce sentiment de liberté intérieure: liberté de ne pas être esclave de ses humeurs, de ses distractions, de la recherche constante de gratification immédiate. Liberté de répondre consciemment – plutôt que de réagir impulsivement – aux aléas de la vie.

« Entre le stimulus et la réponse il y a un espace… Dans cet espace est notre pouvoir de choisir notre réponse. Dans notre réponse résident notre croissance et notre liberté. » Viktor Frankl (1905-1997)

La discipline nourrit un sentiment d’autonomie

Le modèle de l’auto-détermination (Self determination theory, Deci & Ryan) souligne que trois besoins psychologiques essentiels soutiennet la motivation durable: l’autonomie, la compétence et l’affiliation. L’autonomie n’est pas synonyme d’indépendance et liberté totale. Une discipline choisie s’insère parfaitement dans ce cadre: elle ne se ressent pas comme une contrainte, mais comme l’expression d’un choix personnel. Dans un cadre donné l’individu est en mesure de faire des choix, d’exprimer son avis et se sentir entendu.

Pour les RH et managers, cela incite à encourager non pas un conformisme rigide mais la liberté de choisir ses propres disciplines: routines fortes, priorités claires, favoriser des environnements où les collaborateurs peuvent décider de leurs règles internes apporte non seulement plus de performance, mais aussi un plus grand engagement, une meilleure confiance en soi et un sentiment plus profond de liberté individuelle.

La discipline, quand elle est volontaire et alignée avec nos valeurs, n’enferme pas dans un cadre rigide mais au contraire libère les ressources créatrices et soutient l’épanouissement. Lorsqu’elle exprime des choix conscients, la discipline apporte aussi une sécurité psychologique intérieure qui permet d’appréhender avec plus de confiance et de courage l’imprévisibilité du quotidien.

À vous de créer une discipline personnelle qui puisse servir vos aspirations et renforcer votre leadership.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *