Dans divers secteurs d’activité, la digitalisation émerge comme un thème incontournable, suscitant des réactions variées au sein du monde du travail. Parfois mise en avant par certaines entreprises comme un facteur de différenciation et une plus-value, certains la recherchent et d’autres la redoutent. Le domaine du recrutement a particulièrement été bouleversé par la digitalisation. Afin d’en savoir plus, j’ai interrogé Guillaume Python, coresponsable Suisse romande au sein de la société Papilio, spécialisée dans le recrutement et le développement du personnel.
Pourquoi digitaliser le processus de recrutement?
Guillaume Python: Lorsqu’une digitalisation est bien menée et réussie, elle permet de rendre un processus RH plus efficient. Un recrutement digital permet d’explorer davantage de facettes d’un•e candidat•e afin d’aboutir à une décision de recrutement qualitative et valide en limitant les ressources à investir. Par exemple, un recrutement digital peut inclure différents exercices (questionnaires de personnalité, tâches de planification, jeux de rôle, etc.) afin d’explorer plusieurs compétences clés sous plusieurs angles, sans être limité par des contraintes géographiques et en permettant aux recruteurs ou assesseurs de réduire le temps qu’ils doivent personnellement investir dans le processus de recrutement.
Quels sont les défis rencontrés lors de la digitalisation du processus de sélection?
Les challenges sont multiples et variés. Lorsqu’une entreprise désire digitaliser un processus RH en interne, elle doit s’assurer que cette digitalisation soit bien menée, communiquée et acceptée. Il faut également s’assurer d’avoir les ressources et connaissances suffisantes afin de garantir une digitalisation de qualité. De nombreuses entreprises externalisent certains processus ou font appel à des fournisseurs d’outils digitaux externes. Le challenge se porte alors sur le choix du fournisseur et de l’entreprise avec laquelle travailler. Le marché regorgeant de toutes sortes de produits et services de qualité très variable, choisir ceux qui correspondent aux réels besoins à combler n’est pas toujours chose facile. Un dernier challenge que l’on pourrait également mentionner est de s’assurer de laisser une bonne image aux candidat•e•s et de leur offrir une bonne expérience via un processus digitalisé.
La digitalisation impacte-t-elle la qualité du processus? Si oui, de quelle manière?
Idéalement, digitaliser votre processus de recrutement peut vous permettre d’en faire plus en engageant moins de ressources. En réalité, cela dépend surtout de la façon dont la digitalisation est amenée et menée. Digitaliser pour digitaliser sans se préoccuper des enjeux à considérer peut impacter négativement un processus de sélection. Par exemple, si les outils digitaux utilisés sont de mauvaise qualité ou s’ils sont mal employés cela peut avoir des conséquences négatives sur les décisions d’embauche. Nous voyons encore trop souvent des entreprises utiliser des questionnaires de personnalité digitaux dans leur processus de sélection alors qu’ils ne sont pas suffisamment bons ou valides pour être employés pour de tels processus. Nous voyons également des entreprises mettre en place de nouveaux outils digitaux sans s’assurer que leurs équipes acceptent ces changements et qu’elles soient suffisamment formées afin de les prendre en main de façon adéquate.
De nouvelles compétences sont-elles nécessaires face à la digitalisation du recrutement?
Oui, la plupart des outils digitaux nécessitent une formation afin de comprendre la façon dont les résultats sont générés, la façon de les interpréter et également la manière de les restituer aux candidat•e•s. L’approche «glass box approach» est à favoriser puisqu’elle privilégie la transparence et la compréhension des utilisateurs•trices de la manière dont les résultats sont automatiquement générés. À l’inverse, la «black box approach» maintient une certaine opacité sur la manière dont les résultats sont générés.
Quel est l’impact de la digitalisation sur les candidat•e•s?
Certain•e•s candidat•e•s peuvent avoir une réaction sceptique voire défensive face à un recrutement digital. S’agissant d’un processus important et d’une des premières vitrines d’une entreprise, il est donc particulièrement important de se préoccuper de la perception des candidat•e•s et de les rassurer. Certain•e•s recruteurs•teuses le font plus naturellement lors d’entretiens en face à face mais en format digital, un effort plus conscient doit être fait afin de mettre les participant•e•s à l’aise. Plusieurs bonnes pratiques existent afin d’améliorer l’expérience des candidat•e•s: réduire le temps de passation des exercices digitaux, donner des feedbacks réguliers, clarifier et rendre transparent le processus de recrutement, gamifier les tests digitaux et finalement partager en détail la décision de sélection en permettant aux candidat•e•s de repartir avec d’éventuels points de développement.