La politique de la Confédération en matière de GSE engendre flou et incompréhensions de la part de bon nombre de responsables RH. Une récente décision de la Conférence Internationale du Travail pourrait clarifier la situation.
En 2006, la Suisse est le seul pays sur les 178 de l’Assemblée de l’Organisation Internationale du Travail qui a voté contre la Convention 187 de l’OIT sur le cadre promotionnel pour la Sécurité et la Santé au Travail (SST). Les pays qui signent cette Convention s’engagent à élaborer une politique nationale et un programme aux objectifs clairs, c’est-à-dire à créer une culture qui intègre le droit à un milieu de travail sûr et sain. La Suisse a donc nettement exprimé son refus d’instaurer une organisation coordinatrice centrale et un programme pour promouvoir la SST.
Mais depuis, des problèmes non reconnus comme maladies professionnelles car ils échappent aux critères des assurances, ont dû être pris en compte, tels les risques psychosociaux (RPS) et les troubles musculosquelettiques (TMS). De plus, la pandémie du Covid-19 a exacerbé certains problèmes (épuisement du personnel hospitalier par exemple) et en a fait émerger d’autres (modes de management face au télétravail, gestion du personnel à distance…)
Sous la pression sociale et politique, le Conseil fédéral a dû s’engager à mettre l’accent sur la Santé au Travail dans sa stratégie globale «Santé 2030». Mais l’Office fédéral de la santé publique n’étant pas prêt à assumer cette tâche, le gouvernement a mis en place la «Plateforme institutionnelle Gestion de la Santé en Entreprise» (PI GSE), constituée de partenaires institutionnels, d’associations et partenaires indépendants dont une entreprise de droit public (Suva) et une fondation de droit privé (Promotion Santé Suisse). Mais du fait que la PI GSE est liée au choix de faire cavalier seul en 2006, son rôle ne constitue qu’une sorte de substitut bancal à la Convention 187, propre à la Suisse…
Mais le flou, à plusieurs niveaux, de cette PI GSE amène des questions:
Le concept constitue-t-il une approche globale de la santé au travail incluant les risques professionnels de toute nature, ou un simple complément à la structure législative actuelle orientée surtout vers les RPS? Selon la Charte de la PI GSE il s’agit d’une coordination de TOUS les acteurs officiels, dans un cadre général, donc global. Et pourtant… le site de PSS montre que la GSE est focalisée sur la santé mentale et les RPS…
Au niveau des structures en place (SECO, OFAS, OFSP, SUVA, PSS, Inspections du travail etc.) lesquelles sont compétentes pour aider les entreprises sur le sujet des risques pour la santé mentale et les symptômes en lien avec l’épuisement et le burnout? La réponse n’est pas évidente… puisque chaque structure a son angle de vue…
Quant au niveau des acteurs de terrain concernés, en particulier les professionnels de la SST, rien n’est clair. Les psychologues du travail et les ergonomes sont les vrais professionnels de santé au tavail capables de détecter et gérer les RPS et les TMS, mais quelle légitimité ont-ils? Ils ne sont même pas reconnus officiellement par la LAA! Et les médecins, les hygiénistes du travail et les personnes en charge de la sécurité qui eux, sont officiellement reconnus, quel est leur rôle dans la PI GSE? Cette ambiguïté entre professionnels reconnus et non reconnus participe au flou général et empêche une approche cohérente.
Enfin… quid de la récolte des données sur les problèmes de santé liés au travail, dans un tel système hétéroclite… et du fait que la très grande majorité des maladies liées au travail n’entrant pas dans les critères de la LAA ne sont donc pas recensées? Elles font cruellement défaut… Or, pour construire une politique et une stratégie cohérentes et définir des priorités, elles sont incontournables…
Un Observatoire des Conditions de Travail est nécessaire dans ce cadre, or il n’existe pas en Suisse. Seul le canton de Genève vient de décider d’en créer un. C’est un bel exemple de progrès. L’OFSP et sa PI GSE vont-ils s’en inspirer pour une vraie politique de Santé au Travail et lui donner enfin une visibilité dans une «Division de Santé au Travail»?
Début juin 2022, la Conférence Internationale du Travail a adopté la résolution d’inclure des conditions de travail sûres et salubres dans le cadre des principes et droits fondamentaux au travail de l’OIT. Une véritable révolution pour les professionnels de la Santé au Travail.
Cette décision signifie que tous les États membres de l’OIT s’engagent à respecter ces principes, indépendamment du fait qu’ils aient signé ou non les conventions y relatives. Donc la Suisse, qui a refusé de signer la convention 187 (Cadre Promotionnel pour la Santé et Sécurité au Travail) se voit contrainte d’élaborer une politique et des objectifs dans ce cadre élargi de la Santé Publique.
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