À qui, ou quoi, peut-on encore faire confiance de nos jours? Voilà une bonne question ! On n’est jamais certain que les textes que l’on lit (même celui-ci), les photos ou les vidéos que l’on visionne, même les voix que l’on entend, sont authentiques. Nous sommes à maints égards dans une réelle crise de confiance: institutions, gouvernements, partenaires – d’affaires ou privés, où que vous vous tourniez, le doute s’installe, de plus en plus. Pourtant le monde continue de tourner rond lui, du moins dans le sens cosmologique du terme.
Mais qu’est-ce que la confiance au juste? C’est le fait de s’en remettre à autrui et penser qu’il agira d’une façon que nous attendons. Il n’y a donc pas de notion de bon ou de mauvais, on doit tout autant faire confiance au tueur à gage qu’il exécute son contrat (et sa cible) qu’au chirurgien lors de son opération. Ce qui se révèle déterminant dans la réflexion est que la notion de confiance implique une incertitude. Celle-ci est à la base de la confiance.
Combien de managers n’ont-ils ou elles pas de la difficulté, l’impossibilité même, de déléguer. C’est en grande partie dû à la gestion de cette incertitude. Pour beaucoup, délégation signifie contrôle. Or dans le contrôle, pas d’incertitude. La délégation implique de la marge de manœuvre, pas de la simple exécution. La marge de manœuvre c’est la liberté[1], liberté du mandataire, et c’est la prise de conscience de cette liberté qui permet la réelle confiance. Si notre approche est basée sur des probabilités, elles-mêmes basées sur l’expérience et l’analyse des intérêts de la personne à qui l’on délègue, nous ne sommes déjà plus dans la liberté et le lien de confiance. Cependant, si la personne porteuse de la délégation a la réelle liberté d’agir, c’est sur ses épaules que repose la difficulté de choix, la décision d’aller dans le sens attendu, de l’intérêt partagé.
Les parents, tôt ou tard, intègrent le concept: le poids de la responsabilité est plus lourd sur les épaules de l’ado quand il ou elle a compris, assimilé, que la décision de se comporter en adulte lui revient. Elle n’est plus sur celle des parents (même s’ils continuent à se tourmenter et à se retourner dans leur lit).
Cette réflexion ne nous aide pas à déterminer quand et à qui faire confiance. Elle nous aide modestement à comprendre si l’on est plutôt dans une relation de confiance ou plutôt dans un rapport de contrôle. Donner sa confiance, c’est exactement cela: on remet à l’autre un bien fragile mais tellement symbolique et riche. Ce que l’autre en fait devient son histoire.
[1] Gildas RICHARD, De la confiance, article paru dans la revue L’enseignement philosophique, mai-juin 2000, 50e année n°5