Alors que de nombreuses approches pour développer la résilience ont été explorées, une ressource souvent négligée mais très puissante émerge: la nature.
Quand est-ce la dernière fois que vous vous êtes émerveillé-e face à la nature? Quels sentiments dominent quand vous êtes en pleine nature? Quelle place occupent les enjeux environnementaux dans vos réflexions quotidiennes? Est-ce un sujet de discussion dans votre environnement professionnel? À l’heure où la question climatique est omniprésente et compte tenu des enjeux de santé mentale dans les entreprises, cet article questionne notre relation à la Terre. Je mets en lumière les multiples bénéfices liés à une exposition accrue à la nature, tout en suggérant aussi que les personnes les plus résilientes tendent à avoir des comportements plus responsables vis-à-vis de la planète.
Notre relation à la nature est ancrée dans un contexte culturel spécifique, influencée par nos expériences, nos croyances et bien évidemment notre environnement de vie. Les peuples premiers (autochtones), par exemple, entretiennent un lien très fort avec leurs terres et la nature au sens large. Entre une approche anthropocentriste qui place l’Homme au centre de l’univers et le biocentrisme qui sacralise le vivant sans distinction entre «humain» et «non-humain», je me sens davantage inspirée par l’éco-centrisme qui place le «système» au centre et insiste sur les interdépendances entre toutes les espèces.
L’hypothèse de la Biophilie suggère que les humains possèdent une tendance innée à rechercher des liens avec la nature et d’autres formes de vie.
Cela expliquerait les nombreux bienfaits qui découlent de ces moments de reconnexion avec la nature sous toutes ses formes. Dans nos pays, l’urbanisation et les styles de vie modernes nous ont progressivement déconnectés de la nature jusqu’à créer une illusion de domination totale sur notre environnement. On en paie le prix fort aujourd’hui avec un changement climatique accéléré dont on peut affirmer – malgré les réticences de certains – qu’il résulte de l’activité humaine. L’(éco-)anxiété atteint aussi des niveaux alarmants; l’OMS estime que depuis la pandémie COVID-19, il y a une augmentation globale de 25% de prévalence d’anxiété et de dépression.
La recherche le confirme avec clarté: la nature est un véritable levier pour stimuler santé, créativité et attention. À nous de l’activer!
En pleine nature, notre cerveau émet des ondes alpha ce qui active une réponse de calme pour réduire l’anxiété, stimuler la clarté mentale et activer un état de relaxation.
Une large étude longitudinale, réalisée au Danemark, suggère l’influence majeure des espaces verts durant l’enfance. Les chercheurs ont mesuré – grâce à des images satellites – l’exposition aux espaces verts de 900 000 résidents durant les dix premières années de leur vie. Le risque de souffrir de problèmes psychiques durant les années qui suivent était 55% inférieur chez les enfants les plus exposés aux espaces verts par rapport à ceux qui l’étaient le moins.
Vous n’habitez pas à la campagne ou avez un accès limité aux espaces verts? Sachez que le simple contact visuel avec la nature (un ciel bleu, une plante verte, un joli paysage) a aussi des effets bénéfiques sur votre santé. C’est ce qu’a révélé une autre étude[1] qui a comparé les dossiers médicaux de prisonniers dans une prison du Michigan dans les années 1970. Par le hasard de l’architecture, les prisonniers étaient enfermés dans une cellule qui avait une vue soit vers un paysage naturel, soit vers un mur de briques. Le risque de souffrir de problèmes de santé physique et mentale était 24% moins élevé chez ceux qui avaient accès à la vue des arbres et des champs.
Le contact visuel avec la nature est aussi bénéfique à l’attention. En Australie, des étudiant-e-s, à qui l’on a demandé d’effectuer des tâches répétitives et ennuyeuses, ont été invité-e-s au milieu de l’exercice à regarder par la fenêtre durant 40 secondes. Les scores réalisés par ceux et celles qui avaient une vue sur un toit fleuri plutôt que sur un toit en béton étaient significativement plus élevés. Votre cerveau bénéficie donc de cette «micro-pause nature» comme s’il recouvrait, en un éclair, sa capacité de concentration focalisée.
Depuis que le ministre de l’agriculture japonais a introduit le terme «Shinrin-Yoku» («bain de forêt») en 1982, les Japonais encouragent cette pratique scientifiquement reconnue pour ses effets thérapeutiques et prescrites même par leurs médecins pour réduire l’anxiété et lutter contre les effets du stress.
Enfin, rien de tel que de se mettre au vert pour créer les conditions optimales à la créativité. Cet article publié par McKinsey encourage tous les leaders à planifier des sessions de travail offsite en pleine nature pour booster les équipes.
Les personnes les plus résilientes tendent à avoir des comportements plus éco-responsables.
Une recherche du Resilience Institute sur un échantillon de 1000 personnes suggère une corrélation entre plus de résilience et une attitude plus responsable envers la nature. Ainsi donc se met en place une cercle vertueux entre plus de nature, plus de résilience et plus de conscience écologique.
N’est-il pas plus que temps de réintroduire davantage de nature dans notre quotidien – y compris au travail? En y contribuant, vous soutenez la résilience de vos équipes afin de réaliser des performances élevées avec care – pour soi, pour les autres et pour la planète.
Voici 5 actions pratiques à mettre en place pour vous et dans votre organisation:
- Passer au moins 10 min par jour à l’extérieur en admirant la nature environnante
- Promouvoir les «micro-pauses nature» en expliquant les bénéfices prouvés sur la restauration de l’attention
- Intégrer fleurs et plantes vertes dans votre environnement de travail
- Partager avec vos collègues les enseignements scientifiques qui démontrent l’impact positif des contacts avec la nature sur la santé physique et mentale
- Montrer l’exemple et engager des conversations constructives sur ces sujets
“Regardez profondément dans la nature et alors vous comprendrez tout beaucoup mieux.” Einstein
[1] H. FRUMKIN, “Beyond toxicity – human health and the natural environment”, American journal of preventive medicine, num 20, pp 234-240 (2001)