L’autre pandémie

Peut-être pourrions-nous cesser d’épiloguer sans fin sur les atermoiements de nos dirigeants, aussi désemparés que leurs experts ou que nous-mêmes, face au méchant virus? Plutôt que d’inutilement gémir sur ses variances exotiques ou d’extravaguer au fil d’hypothèses conspirationnistes, sans doute pourrions-nous d’urgence revenir au réel?

Car une seconde épidémie apparaît. Qui promet d’être pareillement longue, aussi dévastatrice que la pandémie biologique et ses désastreuses conséquences économiques. Cette catastrophe humanitaire, désormais programmée, se fonde sur l’inhumanisante inhibition de nos plus humaines nécessités.

Le plus vital de nos besoins psychiques est d’aimer et d’être aimé. Nous sommes des êtres grégaires et notre intelligence est sociale. Il s’agit là de la profonde racine de notre évolution, de sa dynamique même. L’impératif de la «distanciation sociale» – étrange injonction sémantiquement paradoxale, pour parler de distance sanitaire – est un véritable crève-cœur: nos câlins, nos embrassades ou nos accolades, nos bourrades amicales et nos généreuses poignées de mains sont devenues dolosives, interdites et potentiellement coupables. Ce sont pourtant ces contacts physiques qui suscitent la production d’une de nos quatre «hormones du bonheur», l’ocytocine. Par manque d’amour ou d’amitié, la détresse psychique peut alors nous envahir.

C’est ensuite notre besoin de sécurité qui se montre violemment affecté. Très variable selon les personnes, les cultures et dans ses expressions, il est cependant aussi vital qu’universel. L’actuelle permanence de l’impermanence ne cesse de générer la peur, la crainte et surtout des angoisses – des peurs sans objet réel. Les médias les relaient avec force informations catastrophistes, effondrant quotidiennement toute sérénité, toute paix, toute confiance en l’avenir, toute espérance future…

Enfin, c’est notre vital appétit de liberté qui se retrouve molesté, dénié, dévasté! Évaporées, nos essentielles libertés, jusqu’à celle de penser, celle de nous mouvoir, voire même celle de mourir en paix et avec dignité.

Nous ne vivons pas notre première pandémie. Ni la dernière. L’amplification médiatique et politique cependant, anxiogène et sans cesse répétée de continents en satellites, à chaque heure du jour ou de la nuit, accélère la contagion de cette nouvelle épidémie psychique. Les incivilités croissantes, l’augmentation de la violence urbaine ou routière, l’inflation incessante des détresses émotionnelles comme des suicides semblent en attester.

Depuis des années, les médecins québécois prescrivent utilement des «heures de musées», très efficaces pour guérir différents troubles psychiques – confirmant ainsi Dostoïevski, lorsqu’il fait dire au prince Mychkine: «La beauté sauvera le monde».

L’enjeu est désormais essentiel, de santé publique autant que privé! Sans déroger aux règles sanitaires, rouvrons les lieux dédiés au Beau et au Bien-être, depuis les musées jusqu’aux restaurants. Et réapprenons à célébrer, chaque jour, chacune de nos très nombreuses guérisons, comme autant de définitives victoires.

3 comments for “L’autre pandémie

Répondre à France Cadieux Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *