Comment je me suis disputé ma marque employeur

J’ai récemment eu en entretien un jeune homme de 25 ans. Lorsque je lui ai demandé s’il avait la sensation de bien utiliser ses compétences dans son job, il a répondu: «Je préfère les utiliser dans mes activités extra-professionnelles».

Je me suis dit: «C’est donc ça, la génération Y», la génération «je ne donnerai pas mes compétences à mon patron». Il a ensuite nuancé, en expliquant que contre salaire, il fournissait ses compétences. Compétences qu’il acceptait donc de «vendre». Ma réflexion sur le concept de «cerveau en vente» était née.

Dans le contexte actuel de concurrence mondiale et de démocratisation, entre avis publiés et benchmarks d’entreprises, je suis arrivée à une réflexion. On parlait hier d’engagement, de dévouement envers l’entreprise. C’est moi ou, sans qu’on y prête vraiment attention, ce paradigme a complètement changé?

Le temps où vous pensiez que vous deviez à votre employeur vos maison, voiture, canapé Ikea est révolu. Ce n’est pas tant qu’il vous doit tout non plus, mais le rapport de force s’est inversé. Vous entendiez parler de marketing RH ou de marque employeur il y a 20 ans? Du fait que l’entreprise devait être sexy? Nos parents allaient là où le salaire était le meilleur et où le patron n’était pas trop mauvais.

Aujourd’hui, l’outil de production du travailleur n’est pas fourni par l’employeur mais par le travailleur lui-même: cet outil, c’est son cerveau. Ce qui veut dire que dans un environnement mutant, rapide, exigeant et d’économie du savoir, il en est le détenteur. Et aujourd’hui, il en a pleinement conscience. Le temps où vous, cher leader, pouviez balayer la critique d’un revers de la main est donc révolu.

C’est à ce moment-là qu’on entre dans les comportements «consuméristes» des travailleurs. Entre commentaires désobligeants sur les pages Facebook – «le train est tous les jours en retard » – et réputation du dirigeant colportée par les déçus de la boîte – «un mégalo qui n’applique aucun des principes qu’il prône» -, la réputation constitue un risque majeur.

Le travailleur cherche plus une expérience qu’un job. Plus exactement, il cherche les deux. Davantage encore, il scrute l’environnement, les outils, la vision, veut que la mission soit en adéquation avec ses valeurs, attend un manager pertinent, des collègues sympas, un produit durable.

Lorsqu’il surfe sur votre site web, il compare, comme il chercherait la meilleure voiture, toutes les options qu’il veut, au meilleur prix (son salaire); il ira ensuite chercher les meilleurs commentaires sur Glassdoor (la réputation). Qu’est-ce qui vous différenciera de votre concurrent? Votre capacité à savoir de quoi a besoin ce consommateur. Et il n’a pas forcément besoin des mêmes choses qu’un autre collaborateur potentiel.

Obsolètes, les seuls grosses primes ou bonus. Sauf si vous fabriquez des pesticides, car dans ce cas, la pilule peut être plus facile à avaler. C’est du rêve que vous devez vendre. Et dans la notion de rêve aujourd’hui, il y a l’énorme enjeu de la vie privée, du travail nomade, du feedback de haut en bas, de l’autonomie, de la prise de décision. Il y a surtout des besoins individuels auxquels vous devrez répondre par du sur-mesure et de la «série limitée», pour reprendre les termes de l’excellent livre «Marketing RH» de Franck La Pinta et Vincent Berthelot.

A l’interne, de quoi devriez-vous être conscient? D’abord, que chaque salarié, fut-il le «moins important» dans votre esprit, est à lui seul un enjeu de réputation et que c’est lui, entre autres, qui fait et défait votre image. Faites donc l’effort de vivre «l’expérience collaborateur»: oui, c’est synonyme de temps, mais en essayant de vous mettre dans la peau de quelqu’un, vous pourrez comprendre la manière dont il n’a pas envie d’être traité.

Vous pensez que vous le traitez comme un roi mais il ne vous témoigne pas l’immense reconnaissance que vous attendez? N’auriez-vous pas transposé vos besoins sur les siens? Soyez authentique et humble: demandez leur avis à vos cerveaux et à vos futurs «consollaborateurs». Jusqu’à preuve du contraire, ce sont encore eux qui vous font vivre.

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