Volkswagen n’est pas un accident!

Connaissez-vous le point de fusion de l’or? Ce précieux métal se liquéfie à 1’064°C. A quelles conditions de températures et de pressions les ingénieurs de Volkswagen furent-ils soumis pour que soit vaporisé l’or de leur morale personnelle, de leur fierté professionnelle et de leurs réels savoir-faire?

Quel ensemble de contraintes permet-il de transmuter un ingénieur allemand, qu’on peut présumer sérieux et expert, amoureux de sa science et désireux d’en donner le meilleur, sans doute naturellement écologiste, en faussaire, en tricheur et en pollueur? S’il est possible d’imaginer la faiblesse d’un seul, avec des conséquences dommageables pour tous, quelle puissance de coercition – de destruction éthique massive – est-il nécessaire de mettre en œuvre pour corrompre conjointement un groupe de personnes, réputées individuellement responsables et bien diplômées?

Que s’est-il passé pour que les responsables sociaux de Volkswagen acceptent collectivement de vendre 11 millions de véhicules surfaits et menteurs? On peut stigmatiser, pour tenter de justifier l’injustifiable, les normes abusives d’états protectionnistes ou encore les pratiques couramment déviantes lors des tests automobiles. Cette même alchimie perverse et délétère, avec son cortège de cadavres économiques collatéraux, menace en fait un très grand nombre d’entreprises.

Drogués à la statistique inepte et au ratio menteur, nous croyons collectivement qu’une croissance de 15% constitue la meilleure des promesses possibles, quel qu’en soit le prix. Beaucoup de décisions, au sein de comités de direction, en procèdent.

Blindés de croyances erronées – conçus au gré d’idéologies instrumentalistes, déguisés en paradigmes rationnels et traduits enfin en équations ou en ERP, ces virus pathogènes ont incubé pour l’essentiel dans les campus anglo-américains -, nous subissons le leadership sauvage de marchés financiers déréglementés, la gouvernance dévoyée de trentenaires créés gestionnaires de fonds de pension au motif de leur grande inexpérience de l’économie réelle, ainsi qu’un «management» de plus en plus toxique.

Un seul mot d’ordre: toujours plus! En lieu et place d’un bénéfique: toujours mieux.

Affolés d’objectifs exponentiels, les managers scandent en choeur, bêlant à l’unisson: toujours plus! Toujours plus! Seul pourtant un toujours mieux persévérant crée un toujours plus durable. Pas l’inverse! L’histoire d’Apple, exemplaire, en atteste.

Nous sommes, je le crains, à la limite extrême du productivisme aveugle, tout au bord du précipice, d’un abîme de destruction massive de toute valeur ajoutée. L’explosion de la souffrance au travail (absentéisme, conflits, stress, turn-over, burn-out, etc.) le prouve avec force.

Socrate et Aristote peuvent nous aider à contrer cette dictature fatale du seul profit, conçue dans les affres de la croissance impérative en pourcentages obligés, pour reprendre ensuite un meilleur chemin, celui de l’authentique création pérenne de valeur ajoutée (financière, économique, sociale et humaine).

Comment agir? Quelle philosophie de l’action promouvoir?

Comment faire pour que le médecin ait pour premier souci de soigner et non de gagner plus d’argent, pour que le manager enfin ménage ses ressources au lieu de les épuiser?

Pour que notre monde aille toujours mieux, il faut que chacun y assume son rôle et y vive sa fonction en en respectant la finalité. Si je soigne avec soin, si je juge avec justice, si je manage avec ménagement (autant de bienveillance que d’exigence), alors je respecte la finalité de ma fonction et je me respecte moi-même.

Le bien que je fais aux autres constitue en fait la seule vraie façon de prendre soin de moi-même. Il s’agit ici de l’origine – unique – de notre bien commun: j’ai besoin de l’autre pour vivre et de son bonheur pour construire le mien. Notre individualisme – faussement rationnel et parfaitement déraisonnable – nous l’avait fait oublier. Recréons donc ensemble, au sein de nos entreprises, cet or collectif!

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