Quand le manager toxique est de bonne volonté

Mais expliquez-moi pourquoi la souffrance au travail continue à progresser! On sait pourtant qu’elle trouve ses racines dans le système organisationnel et dans le mode de management inapproprié de trop de dirigeants. Alors, crainte de s’attaquer à ce problème, en particulier aux «managers toxiques»?

Si «Objectif Zéro-sale-con», le livre de R. Sutton (Standford Engineering School, USA), a eu un succès inattendu c’est qu’en fait, tout le monde y reconnaissait un tel chef. Y étaient décrits les comportements de ces managers et les coûts substantiels qu’ils engendraient – mais pas les causes de ces fonctionnements ni les facettes de leur «toxicité». À ce sujet, les psychologues parlent de la «triade noire» décrivant les traits de personnalités induisant aversion/et ou attirance: narcissiques, machiavéliques, psychopathes. Je n’ai pas connaissance d’études scientifiques ayant quantifié et caractérisé le phénomène du «manager toxique» mais on peut bien imaginer, ou du moins espérer, qu’il ne représente pas un fort pourcentage de managers.

À part ces cas «pathologiques», il y a des managers que j’appellerais «endoctrinés», tant ils sont collés aux principes des normes et procédés standard. Cela génère une hypertrophie (signe distinctif) des structures administratives pour mesurer, évaluer et faire un controlling dont les coûts sont énormes, amenant à une démotivation des collaborateurs et un retour sur investissement très négatif. Ces managers croient-ils bien faire? Ne réalisent-ils pas que les systèmes organisationnels ont évolué, les anciens systèmes ayant déjà bien montré leurs limites?

Une assez forte proportion de managers sont à l’origine du «syndrome de l’échec programmé» révélé par les recherches de JF Manzoni (Président de la prestigieuse IMD Lausanne) et JL Barsoux, et dont les conséquences s’apparentent à celles produites par les «sales cons»: démotivation, burnout, démission, etc. Par contre, ces managers sont de bonne volonté, voulant remplir leur mission. Ils sont inconscients que coller une étiquette négative sur des personnes (pas assez performantes, etc.), et vouloir donc les «aider», engendre des réactions négatives chez elles. Il se crée alors un cercle vicieux entre les managers et leurs subordonnés, qui aboutit à «l’échec programmé» de la relation, des performances et de la qualité du travail. Stéphane Haefliger a montré dans «Vie et mort des RH» à quel point ces étiquettes sont fausses.

Ainsi, à côté des «sales cons» bien identifiés et des obsédés du contrôle, il y a beaucoup de managers de bonne volonté mais toxiques sans le savoir. Donc plus difficiles à repérer et à «neutraliser».

Par ailleurs, on assiste à une explosion du recours par les managers à des coachs, pas nécessairement bien formés en psychologie du travail et des organisations. Que traduit cette explosion? Un malaise ambiant, un besoin de trouver des solutions, et le fait que la formation des managers est déficiente sur le plan psychologique et humain.

Alors, quelles pistes? Entre autres: intégrer le volet «relations humaines» dans toutes les écoles de management. Pour les DRH, mieux formés dans ce domaine: leur donner les moyens de contribuer à «neutraliser» les managers toxiques. Pour les professionnels de la santé au travail: établir enfin le dialogue entre eux et les managers pour une émulation réciproque et répondre ainsi à leur besoin d’aide par des professionnels compétents. Cela leur permet de prendre du recul sur la situation et l’analyser au regard de leur propre responsabilité – donc de faire un travail sur soi – et coconstruire avec eux les outils appropriés pour assainir la situation.

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