Objectivement?

Enfant, c’est dans un paisible lac tyrolien, tout rond et purement bleu, que j’appris à nager. Puis plus tard, à plonger, depuis le ponton de bois qui y pénétrait. J’avais appris les deux, presque seul, parce que je le voulais résolument.

Mon grand frère s’immisça dans mes apprentissages sans que je l’y invite. Il voulut me faire sauter du plongeoir, haut de 1,5 mètre, au bout de la jetée. Mes orteils dépassant de la planche et sans aucune peur du vide, cette situation artificielle et la répétition de ses injonctions m’ôtèrent finalement toute envie de sauter. Je redescendis donc, très intimement assuré de ne pas vouloir céder à cette volonté étrangère, malgré ses railleries… Je plongeai une autre fois, du plongeoir de 3 mètres, loin de lui.

Cette expérience fut essentielle. Si les objectifs que je me fixe me permettent d’apprendre, de progresser et de vivre selon mes vrais talents et mes valeurs, ceux que d’autres tentent de m’imposer m’inhibent et peuvent engendrer une résistance – souvent non-consciente – malgré une éventuelle adhésion d’apparence.

Une transposition à nos organisations s’impose: les objectifs individuels qu’on nous assigne ne procèderaient-ils pas, en réalité, d’une même volonté d’affirmer sa supériorité, son pouvoir ou sa domination? Me mettant de facto en situation de me justifier, d’expliquer et de rendre des comptes, celui qui me contraint par des objectifs me rend «redevable». Et renforce ainsi ma subordination. Ne s’agirait-il pas là, très précisément, du 1er objectif des objectifs?

Créer ou maintenir cette sujétion, tout en contraintes, ne constituerait-il pas la vraie motivation des objectifs individuels imposés, où l’atteinte d’une performance n’est plus guère qu’un prétexte? Ne voit-on pas, trop souvent, des encadrants, avides de pouvoir mais sans autorité, régir leur «petit monde », caporalement, à coup d’objectifs péremptoires, à très court terme, finalement démotivants. Des scientifiques pourtant, ailleurs et depuis fort longtemps, ont prouvé la contre-productivité de ces objectifs assignés…

Que penser encore de ces entreprises, qui, pour favoriser la collaboration, l’esprit d’équipe ou la créativité collective, ne cessent d’imposer, sans autre recours que la démission, des objectifs résolument individuels, prétendument de performance? N’est-ce pas très paradoxal toujours, d’exiger de ses salariés un travail collaboratif, pour ensuite ne récompenser qu’individuellement leurs efforts collectifs?

La vraie richesse d’une organisation réside non pas dans son architecture, ses processus ou sa toujours plus complexe et coercitive machinerie, toute de boulons, de vis et d’écrous, mais bien précisément dans les saines, authentiques et loyales relations collaboratives en son sein.

Il n’existe, à ma connaissance, qu’un seul objectif légitime. Au cœur de chaque organisation et par nature, il est collectif. Créer la satisfaction finale du client, qu’il soit interne ou externe, voilà la seule motivation durable!

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