Je souffre donc je suis

– «C’est l’enfer, mais je me suis fixé de tenir encore 2 ans.»

– «Oui, t’as raison, accroche-toi.»

En attendant mon rendez-vous, je surprends cette conversation qui, il y a deux ans encore, m’aurait semblé normale mais qui tout à coup me paraît surréaliste. Subitement, l’envie de sauter à la gorge de celui qui acquiesce me prend.

Ça vous arrive souvent de renier ce qui est important pour vous dans la vie? Ça vous semble normal de vous satisfaire mollement d’un job, d’une vie qui vous pèse, vous empoisonne? Culturellement, on a entendu dire que la vie était dure, qu’il fallait souffrir pour avoir un salaire et que la compétition serait rude. Aidés en cela par une morale judéo-chrétienne dont le fondement réside entre autres dans le concept de souffrance souriante, nous attendons toujours que la douleur devienne trop aiguë pour agir.

Et voilà que la petite musique du «nan mais ça va» arrive. Le processus vicieux de conditionnement s’installe, constituant une forme de poison mortel: la résignation, ou «fait de supporter sans protester quelque chose de pénible, d’inévitable». Probablement un des pires concepts qui existe. Malgré tous les signaux négatifs (agacement, fatigue, stress, etc.), vous vous persuadez que ça va aller. Car si vous vous mettiez à imaginer que vous pourriez réussir ailleurs, autrement, plus grand, plus beau, mieux, vous éprouveriez alors ce sentiment encore pire que vous connaissez bien: la peur.

Peur de réussir, peur d’échouer. Peur d’avoir peur. Vous restez donc dans la zone grise qui vous fait passer un certain temps à vous plaindre sans jamais essayer de changer, de prendre un risque, de tester autre chose. Et qui vous permet aussi de dire avec un air très sérieux votre phrase préférée: «J’ai pas le choix».

Loin de moi l’idée de vous servir une énième injonction à être heureux au boulot, concept débilitant qui nous laisse toujours avec le sentiment horripilant de n’avoir même plus le droit de faire la tronche. Je vous invite en revanche à vous demander ce qui vous fait plaisir au travail, vous rend joyeux, sans en laisser la responsabilité à personne sinon vous-même. La seule question à se poser finalement est: est-ce que je veux bien vivre au travail, y passer d’excellents moments et en tirer à la fin de ma journée un bilan positif?

Si oui, alors peut-être que vous ne savez pas par quoi commencer et que vous êtes parfois même pétrifié à l’idée de changer. L’action est un excellent moyen pour faire baisser la pression, car elle réduit, voire annihile, l’anxiété. Réfléchir à vos valeurs, surmonter vos croyances, identifier vos sources de joie sont des premiers pas pour agir. Décider de ne plus subir en est un autre. Essayer quelque chose de nouveau, aussi. Car en faisant ce que vous avez toujours fait, il y a fort à parier que vous obtiendrez ce que vous avez toujours obtenu. Mais de petits pas en petits pas, de centimètre en centimètre, on peut finalement arriver à se dire que le succès comme le bonheur sont inévitables.

Sauf si on s’évertue vraiment à les éviter.

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