Detox Management

L’art du management s’apprend. Ailleurs que dans les business schools, à en juger par l’atonie productive, l’apathie créative ou l’inhumaine souffrance qui envahissent le monde du travail salarié. Motiver, décupler la performance, libérer l’innovation, inspirer le changement sont les bénéfices d’un management désintoxiqué.


La guerre des coûts

On peut y reconnaître un vrai cuisinier ou une bonne cuisinière: ils savent accommoder les restes, cultivent l’art de faire beaucoup avec peu et montrent un grand talent pour soigner la présentation de leurs plats. Une forme de génie les anime et les méthodes qu’ils utilisent se caractérisent par une intelligente économie de moyen, une authentique élégance: le moins d’efforts (ou d’effets) possibles pour obtenir le meilleur résultat possible.

Envahissements narcissiques

Si les comportements authentiquement pervers au travail sont bien plus rares que ne l’affirment ou ne l’écrivent certains, le narcissisme – qui constituerait son attribut le plus habituel- est quant à lui observable à très grande échelle dans notre monde salarié. Pour n’être pas pervers, il n’en est pas moins profondément destructeur et toxique.

Perversion ou toxicité?

Sujet à la mode et trop souvent récurrent, maltraité par nombre d’auteurs ou de journalistes, la perversion – qu’on disait jadis polymorphe et désormais narcissique – ne se distingue plus assez nettement, dans le monde du travail, d’une plus bénigne ou maligne toxicité. La différence entre ces deux graves dysfonctionnements est pourtant radicale, non pas – hélas – par l’effet sur leurs victimes, mais de part leur essence.

Le conflit est une faute professionnelle

Alors qu’à leur demande j’essayais d’expliquer à des enseignants, formateurs de futurs cadres internationaux, que le bien-être ou la santé psychique est un moteur essentiel de la vraie motivation et de la performance pérenne, je fis face à deux incroyables croyances, intrinsèquement toxiques.

La première permettrait de penser que la souffrance est bénéfique, ou qu’elle peut l’être. Je n’ose imaginer les ancrages morbides dont elle se nourrit ou les déviances qu’elle peut vouloir légitimer. Ni les perversions qu’elle autorise, du genre «c’est pour son bien» ou encore «tout ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort».

Le leadership introuvable?

Sans doute avez-vous, tout comme moi, voulu y croire un jour, de toute votre énergie positive. Peut-être avez-vous été aussi enthousiasmé que je le fus, la toute première fois que vous en avez entendu parler. Ne serait-il pas tellement simple en effet, si pratique, si élégant et si merveilleux d’aller puiser à sa source la panacée, l’élixir systémique, l’universelle solution à toute situation?

Importées massivement des USA (sans plus de discernement que la tortue tueuse de Floride, l’écrevisse américaine, le frêne puant – c’est son nom – ou l’ambroisie allergène), les théories du leadership, invariablement positives et toujours flanquées d’anodines apparences, nous ont subrepticement submergés, éradiquant au passage nos solides traditions managériales, étouffant nos plus belles valeurs humaines et sociales au nom de l’Ebitda, stérilisant finalement, dès les premières pousses, toute initiative alternative.

Le leadership obscur

Des enluminures variées, ornant toute forme de leadership, ne cessent de fleurir, d’universités en MBA, de thèses en théories. Partout désormais, on l’entend qualifié d’organisationnel, de transformationnel, d’inspirationnel (à tout prendre, c’est mieux qu’expirationnel), voire de réflexif. Cette surenchère sémantique ne cache pas vraiment une certaine vacuité conceptuelle.

Le bore-out, une imposture?

Sans doute en est-il ainsi de toute découverte: elle suscite une surabondance d’interprétations ou d’extrapolations, immédiatement médiatisées.

Celle de la profonde et réelle détresse, née de la souffrance psychique au travail, est toute récente, devenue d’autant plus visible que la pénibilité physique du labeur salarié tend à disparaître des entreprises occidentales.