Bienveillance artificielle?

Notre époque est fantastique: pas un jour qui n’apporte son lot de découvertes extraordinaires. Publiées dans la revue Cognitive, Affective & Behavioral Neuroscience, les conclusions des récents travaux d’une équipe de chercheurs genevois (menée par le Professeur Tobias Brosch, de la faculté de psychologie de l’Université de Genève) sont remarquables.

S’étant concentrée sur le cortex ventromédian préfrontal, une zone du cerveau que nous utilisons pour nous projeter dans l’avenir en le visualisant, l’équipe scientifique a constaté sous IRM l’inhibition ou l’inactivité de cette zone chez certaines personnes. Celles-là se caractérisent par un comportement habituel de type égocentré ou égoïste. A l’inverse, celles montrant un authentique altruisme se sont révélées capables de mobiliser utilement cette partie de leur cerveau, dans toutes les perspectives temporelles possibles, afin d’adapter leurs comportements aux réalités du monde.

Il existe donc une corrélation neurologique avérée entre le fait d’aimer les autres et la capacité à voir loin. Donc à créer utilement ou à entraîner efficacement. Celui qui n’aime pas les autres, enfermé dans son auto-centrisme étroit, de courte vue et de courte pensée, apparaît incapable d’inventer le futur ou de diriger les autres. Un authentique leader, un bon manager ou un véritable visionnaire commenceraient donc toujours par être sincèrement bienveillants.

Cette découverte, qui conforte ce que l’on sait déjà de l’organisation sociale de notre cerveau, met radicalement à mal de très nombreuses utopies venimeuses, d’innombrables croyances toxiques (comme par exemple le pseudo-instinct de dominance chez l’homme), la multitude d’invraisemblables pratiques délétères, enseignées de MBA en séminaires de dé-management. Et renforce encore l’urgence de restaurer la bienveillance dans nos organisations.

Qu’est-ce donc que cette bienveillance, dont beaucoup parlent, dont tant se réclament, et dans laquelle certains se dissimulent, y cachant leurs manipulatrices intentions?

Est bienveillant celui ou celle qui veille au bien (le sien et celui des autres). Celui qui veut le bien et qui agit concrètement pour que ce bien advienne, sans jamais contribuer à un quelconque mal (qui jamais n’est nécessaire, en dépit de la médiocrité morale d’une expression idiote).

S’agit-il là du premier et principal critère de recrutement ou de formation des dirigeants et des managers? Sont-ils suffisamment altruistes pour bien utiliser leur cortex ventromédian préfrontal? Et donc inventer le futur? Sont-ils assez bienveillants pour adapter en permanence leurs comportements au monde réel, tout en créant le prochain?

Les chercheurs genevois suggèrent qu’un entraînement psychologique permettrait peut-être de rééduquer cette zone essentielle, lorsqu’inhibée ou atrophiée, faute d’exercice. Afin de rapprocher ces personnes des conséquences de leurs actes et de les libérer de leurs enfermements médiocres et asociaux, nous devrons sans doute créer un jour des ateliers de bienveillance artificielle, où l’on apprendra à aimer.

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